Salut vieille branche, la vigne vierge a disparu
Adieu feuilles folles, belles branches et petits oiseaux : on n’a pas fait de fleur à la fameuse vigne de l’IBMC à l’Esplanade. Cette enveloppe remarquable a été coupée comme prévu, pour rénover le bâtiment.
Au pied d’un institut de recherche en rénovation, les derniers vestiges d’une présence verte remarquable dans un univers de béton et de matière grise. – Photo DNA /dir
L’Institut de biologie moléculaire et cellulaire dans son bel habit vert : ça, c’était avant…
Archives L’ALSACE /Dominique GUTEKUNST
Tout le monde n’aura pas fait sa rentrée sur le campus universitaire : la vénérable vigne qui constituait la seconde peau végétale de l’IBMC (Institut de biologie moléculaire et cellulaire) est à porter parmi les absents en ce mois de septembre.
Envolée, cette couche de nature agrippée à trois faces d’un édifice vieux d’un demi-siècle. À l’heure où les amphis refont le plein de leur faune étudiante, il ne reste plus qu’un vulgaire tas de bois mort sur les pelouses, dernier vestige d’une présence florale appréciée de certains chercheurs.
Pas de retour de sève
Fini du coup la traditionnelle vêture rouge de l’automne : les pieds au pourtour de l’immeuble scientifique seront remplacés par une isolation en façade dans les règles de l’art, autrement dit minérale et lisse. Place à des strates de matériaux à forte inertie thermique, le petit peuple des insectes hébergés là ira frétiller ailleurs.
Alors qu’une partie du personnel avait lancé une pétition en début d’année pour sauver son environnement feuillu, caractéristique au point de devenir l’emblème de l’institut dans sa communication, il n’y aura pas eu de retournement miraculeux, un retour de sève inopiné. Les opérations de ravalement et de modernisation lancées au nom de considérations énergétiques ont eu raison de cette présence botanique.
En janvier dernier, les pieds de vigne engourdis attendaient sereinement le printemps, sans imaginer ce qui les attendait. – Photo DNA /dir
Ballet de tronçonneuses
À la belle saison, « tous les plants ont été arrachés jusqu’à la moindre racine », dit un membre de l’établissement du CNRS, réputé pour accueillir un bouquet de grands scientifiques. Il n’y avait plus d’espoir de survie pour la vigne vierge, malgré la proposition de laisser reprendre la végétation historique une fois les maçons passés : « Les études ont estimé que le poids de tout ce bois n’était pas supportable par le revêtement isolant fixé à l’extérieur des murs ».
Un dernier courrier avait quand même été envoyé par internet afin d’obtenir un sursis pour la vigne. Sans réponse semblerait-il, ni autre résultat tangible qu’un ballet de tronçonneuses.
Les vacanciers et les absents n’ont pu que constater la coupe rase à leur retour, à un moment de l’année où le thermomètre fait volontiers des siennes. Or, l’un des arguments avancés en faveur d’une préservation était que le feuillage dense faisait rempart au rayonnement solaire et évitait « l’effet de serre qui nécessitera sans doute de solliciter la clim en cas de canicule, là où elle est présente dans les locaux ».
Coup de grâce à la poésie
Selon certains chercheurs, 60 % du vitrage était ombragé. Mais les coûts de chauffage en très nette hausse ont fait pencher la balance en faveur d’une isolation plus conforme aux normes modernes. De nouveaux textes réglementaires auraient donné le coup de grâce à la poésie d’un feuillage mural au pays des études doctorales.
Les travaux ont été engagés, question de planning et d’organisation des entreprises. Des budgets avaient déjà été dégagés pour la manœuvre, c’est dire si l’affaire était mal barrée pour cette voyante verdure verticale. Certains opposants à l’éradication n’en font pas moins état d’une « grosse déprime ». Quand ils ne rient pas jaune à la lecture du panneau annonçant un « embellissement » de l’IBMC.
© Dernières Nouvelles d’Alsace, 6 septembre 2023. – Tous droits de reproduction réservés