Paul-Appell, la « ville » des étudiants rhabillée pour l’avenir
Travaux dirigés : à l’Esplanade, l’une des plus grandes résidences universitaires de ce type dans le pays doit achever sa réhabilitation avant la rentrée. 55 millions d’euros auront été dépensés à Paul-Appell pour gagner en modernité, en confort, en capacité. Bref, en tout. S’adapter, c’est l’ABC obligé d’une cité U taille XXL.
À un jet de thèse du campus central, ça sent la peinture fraîche et le chantier fameux. Depuis 2019, les nacelles et les échafaudages, les fourgonnettes d’artisans et les camions de livraison font le siège des six bâtiments de la plus grande cité U de l’Est. À chaque édifice son tour : les deux derniers, à savoir le B et le C, reçoivent les blocs sanitaires qui feront des anciennes piaules de « l’Espla » des logis plus cosy, antichambres commodes des facs d’à côté.
Depuis les premières bâtisses élevées là en 1957, il en est passé des étudiants et des doctorants, des stagiaires et des résidents. Personne n’a rajeuni, pas même les murs. À Paul-Appell, le Centre régional des œuvres universitaires et scolaires de Strasbourg, le CROUS, ne pouvait plus faire l’impasse sur les basiques de la rénovation énergétique et immobilière. La suite a pris la forme de la plus grosse refonte d’une cité U en France.
Le CROUS sort ses griffes
Il y en a eu des casse-tête pour le propriétaire des 1 400 chambres de la rue de Palerme – auxquelles sont rattachés par ailleurs 400 studios des « Flamboyants », trois barres voisines du stade Vauban. Tout a été à la mesure de cette ville dans la ville. Budgets, plannings, coordination des interventions ou fermetures temporaires, il a fallu restaurer serré, explique en substance Pierre Berthemet, directeur de ces résidences du CROUS.
En retrait de l’église du Christ ressuscité, sculptural voile de béton montant au ciel depuis 1971, les six blocs très terre à terre de la cité universitaire ont changé d’ère. Adieu le paquet d’immeubles assez mal fagoté des années 1960. Place à la couleur, à des extérieurs redessinés en parc propret, à des lieux d’accueil franchement requinqués.
Devenu l’étendard de cette évolution, un matou géant a été peint en 2020 par l’artiste Grems sur la façade toute ravalée, mais alors un peu nue, du bâtiment A. Certains en ont déduit que le CROUS sortait ses griffes, d’autres assurent que c’est le symbole d’un quartier qui retombe sur ses pattes.
Les règles du baby-foot
Paul-Appell en tout cas a repris du poil de la bête, après des années maigres. Arrivé il y a deux ans, Pierre Berthemet n’a vécu depuis que des chantiers, lancés par ses prédécesseurs. Et quelques inaugurations aussi. La dernière en date marquait l’achèvement des espaces communs ajoutés en pourtour de l’ensemble de logements E, pour la babiole de 1,5 million d’euros.
Sur près de 400 m², avec bientôt un toit végétalisé, ce lieu de vie distribué en neuf salles permet aux résidents de potasser en groupes, de réviser les règles du baby-foot, de se jeter à corps perdu dans le fitness ou de pousser la chansonnette, au choix. Tous peuvent s’y rendre assez librement, excepté entre 22 h et 7 h 30 – même si certains ont déjà rêvé (peut-être essayé…) d’y repousser les limites de la nuit.
Bardage bois et vitrages technos, cette construction anime le site revu par le cabinet Weber & Keiling. La société d’architecture a aussi présidé à la renaissance du resto U Paul-Appell. L’édification de cette structure neuve de 2000 m² et de près de 7 millions d’euros, aux lignes autrement contemporaines que les cafétérias de papa, a été conduite dans le cadre du plan Campus , dès 2015. « On y sert aujourd’hui jusqu’à 1 200 repas en pic le midi », dit Pierre Berthemet.
Une rénovation à fleur de béton
À l’automne avait également été célébrée la réincarnation de l’ancien gymnase Paul-Collomp en salle de spectacle de 600 m², la Pokop , dédiée à la « jeune création étudiante ». Deux millions d’euros ont permis aux architectes strasbourgeois d’en faire une structure scénique au goût du jour, aux antipodes des arrière-salles de bistrot qui accueillaient, il fut un temps, les troupes de théâtre balbutiantes.
Au total, le lifting des chambres, cuisines partagées et dépendances des six bâtiments représente un budget de 55 millions (dont 6 apportés par la CeA), et dépasse les 60 millions si l’on inclut le resto U nouvelle sauce. Les résidents de la rue de Palerme n’y gagnent pas que des douches et sanitaires privatifs. La redistribution des espaces communs a permis d’aménager une cinquantaine de logements en plus. Ce ne sont pas les demandeurs qui manquent, avoue le CROUS, ce genre de restructuration à fleur de béton rendant la cité plus attirante.
De fait, on a connu étudiants plus critiques, par le passé. Devant son entrée, Céline qui fait sociologie apprécie la fonctionnalité et la propreté de sa chambrette, même s’il n’y a là que 9 m². Youssef, étudiant en télécoms, adore le lever de soleil depuis sa fenêtre, même s’il se sentirait mieux avec un peu plus de surface habitable. Emmanuela, de sciences Po, aime bien sa carrée et tout le reste, à l’exception des barrières temporaires qui lui rallongent les trajets dans la cité.
À son apogée, le chantier avait provoqué mi-2022 la fermeture de quatre immeubles d’hébergement en même temps. La réouverture de tous ces étages était la bienvenue, on n’a pas chômé pour tenir les délais. Même l’inspection des travaux finis n’est pas de la bagatelle. La taille de cette cité U est telle qu’un défaut sur quelques pourcents à peine des 1 400 chambres peut bloquer l’emménagement de dizaines d’occupants, rappelle le patron de la cité Appell.
Remises de clés en rafale
Malgré l’obstacle des confinements et la course aux matériaux de construction, les ultimes chantiers seront bouclés à la prochaine rentrée, normalement. Ce ne sera pas pour autant la trêve des braves chez les gestionnaires du lieu. La moitié environ des résidents change d’une année sur l’autre : on voit d’ici le cérémonial des remises de clé en rafale, à la reprise des cours. Les 37 salariés du site sont d’ailleurs priés d’écluser leurs congés à d’autres moments.
Pour donner une idée du rush de fin d’été, lorsque les 300 dernières chambres sont affichées sur Internet, elles trouvent toutes preneurs en 15 secondes « grand maximum ». À 298 euros la cambuse, Internet et charges comprises (456 euros pour les studios des Flamboyants), le tarif est sans concurrence, d’autant que des occupants peuvent bénéficier d’APL couvrant le tiers de la redevance (on ne parle pas de loyer dans ce cas).
Adossée au campus, la cité historique Paul-Appell n’est pas qu’une grosse machine immobilière, avec ses plus de 22 000 m². Ni qu’un pivot de la vie étudiante à Strasbourg, lieu d’attache de générations de potaches. C’est une maison en mutation depuis des années et néanmoins à surveiller au quotidien, ce qui ne tient pas de la sinécure. Les veilleurs de nuit en savent quelque chose, une simple ronde dans le dédale des étages réclamant une bonne heure.
Le chiffre | 1 sur 7 L’équivalent d’un habitant sur sept dans le quartier de l’Esplanade est logé à la cité universitaire Paul-Appell rue de Palerme (1 421 chambres) et son annexe des Flamboyants, place d’Islande (404 studios).
© Dernières Nouvelles d’Alsace, 1er mars 2023. – Tous droits de reproduction réservés