Vie associative : plus de petit nid douillet à l’Esplanade ?
Elles sont tristes et découragées et se sentent insuffisamment soutenues, voire méprisées. À l’Esplanade, Naïma Ahssane et Zakia El Wahabi portent à bout de bras l’association Mon petit nid, vecteur de lien social et familial dans le quartier. Mais elles s’apprêtent à jeter l’éponge, en proie notamment à des soucis de locaux.
Par Valérie WALCH
Au rez-de-chaussée du 24 rue de Milan, Mon petit nid occupait, depuis 2019, à la faveur de la rénovation urbaine des 743 logements d’Ophéa, un « appartement témoin » gracieusement mis à disposition par Bouygues bâtiment Nord Est, le temps du chantier.
Ce dernier est désormais terminé – en attestait mercredi dernier la fête de clôture – et avec lui s’achève aussi pour l’association l’aubaine de ces locaux tombés du ciel.
Le salon marocain est toujours en place, mais la cuisine, installée par une maman bénévole, a été démontée. Les tableaux, peints au gré des ateliers ou offerts, ont été décrochés. L’électricité a été coupée, interdisant toute activité en soirée et plantant la dernière banderille dans le cœur des bénévoles. Certes, un bail d’occupation précaire a été proposé, qui court jusqu’à fin août. « Nous sommes prêtes à payer les charges. Mais même si on peut rester quelques semaines de plus et qu’on nous parle d’une éventuelle autre solution dans des préfabriqués, pour nous, c’est terminé ! On s’est senties méprisées et abandonnées, alors qu’on travaille dans l’intérêt du quartier », explique, lasse et (très) déçue, Zakia El Wahabi, la présidente, au bord des larmes. Elle a l’impression que l’association a été « utilisée » pour préserver la paix sociale le temps du chantier et qu’on la congédie maintenant qu’il est terminé. Et alors même « que l’Esplanade, où la situation s’est dégradée, a plus que jamais besoin de médiateurs et de bénévoles impliqués ».
Mon petit nid est né en 2010 cité Rotterdam où sa fondatrice, Naïma Ahssane, vivait alors. « On a commencé par un atelier Zumba au Bon Pasteur », explique-t-elle. Festival des familles, ateliers parentalité – thème cher à cette puéricultrice de formation –, sorties, animations… « On a toujours fait ça sans local, ni subventions, au plus simple ! »
Quand Naïma Ahssane a déménagé à l’Esplanade il y a sept ans, elle a importé ses activités dans le quartier et a rencontré Zakia El Wahabi. Depuis, les deux femmes s’investissent sans compter. L’association est de tous les événements, soit qu’elle les impulse, soit qu’elle les accompagne quand ils sont organisés par la direction de territoire, l’ARES, l’Amsed… Animations en pied d’immeuble, aide aux devoirs, cours d’anglais, participation à la Journée internationale des droits des femmes ; mais aussi petits-déjeuners, ateliers cuisine, soirée raclette, impression d’attestations et distribution de colis pour les personnes âgées durant les confinements… « Pendant les travaux, certains passaient même réchauffer un repas ou utiliser nos toilettes. On fait aussi appel à nous pour faire le lien quand il y a des soucis dans les écoles ou au collège », explique encore Zakia El Wahabi.
Changer de « Business model » ?
Alors oui, elles se sont prises à rêver… Qu’en reconnaissance de leur rôle dans le quartier – elles ont été là quand nombre d’autres associations étaient fermées –, on leur octroie des locaux. La réalité les a rattrapées. Le conseiller d’opposition Nicolas Matt (LaREM) s’en est fait l’écho lors du conseil municipal de mars. En réponse, l’adjoint en charge des associations, Guillaume Libsig, rappelle que la Ville a répondu positivement aux demandes de subventions déposées en 2020 par Mon petit nid. Peu disert, l’élu en charge du quartier, Patrice Schoepff, assure l’association de son soutien, mais, interpellé sur la question lors de l’inauguration de la réhabilitation, botte en touche. « Un bailleur n’a pas vocation à mettre gracieusement un appartement à disposition d’une association », insiste aussi le président d’Ophéa, Salah Koussa. Il reconnaît l’action des bénévoles et explique qu’il leur a proposé de rester jusqu’en fin d’année, le temps de trouver une solution. « Mais elles n’ont pas voulu discuter ! », regrette-t-il, estimant que le « business model » n’est pas le bon. « Vous parlez de business model, moi je vous parle d’humain ! C’est une association de quartier qui travaille pour les familles. C’est maintenant qu’il faut agir. Demain, il sera trop tard ! », s’était alors agacé Nicolas Matt. Demain est déjà arrivé… et a priori, il est trop tard. L’appartement est quasi vidé et Naïma Ahssane et Zakia El Wahabi, « dégoûtées », ont décidé de jeter l’éponge. « On continuera à assister les familles dans leurs démarches, mais pour le reste – les animations, les ateliers, etc.–, c’est fini ! », regrettent-elles, estimant que « le quartier a été abandonné ».
© Dernières Nouvelles d’Alsace, 13 mai 2022. – Tous droits de reproduction réservés