Strasbourg Piste cyclable rue de Londres : vent de révolte à l’assemblée de quartier de l’Esplanade
Ambiance houleuse l’assemblée de quartier de l’Esplanade, à Strasbourg, ce jeudi soir 3 avril. Un projet de piste cyclable controversé rue de Londres, un comité de suivi ultra-critique face à une municipalité dont il estime qu’elle le « méprise », un élu de quartier en quête d’émancipation, une opposition faisant feu de tout bois à un an des municipales : tous les ingrédients étaient réunis pour une réunion compliquée. – Valérie Walch

La rue de Londres au croisement avec l’avenue du Général-de-Gaulle, à l’Esplanade. – Photo Thomas Toussaint
Il y a des moments, comme ça, où l’on sent tout de suite que la soirée est mal emmanchée. Quand, après avoir garé son Vélhop sous un soleil radieux dans une rue de Boston embaumant le printemps, on pénètre dans une église de la Très Sainte Trinité bondée, mais glaciale… Ajoutez à cela un comité de quartier très remonté contre la municipalité ; une sono désastreuse ; une salle majoritairement hostile, commentant tout ce qu’elle entend (ou n’entend pas) dans un incessant brouhaha. Rajoutez-y une opposition municipale surreprésentée et déjà en campagne, prompte à attiser le feu, face à une armée de techniciens et d’élus attaqués de toutes parts, et vous aurez le cadre de l’assemblée de quartier de ce jeudi soir.
Selon le comité de suivi du quartier, tout se décide « sans concertation préalable »
La fronde a commencé à sourdre d’entrée, quand au nom du comité de suivi de l’Esplanade, Jean-Louis Martini a déploré l’absence de la maire, Jeanne Barseghian , y voyant un signe de « mépris ». Dans la foulée, il a taclé l’élu référent du quartier, Patrice Schoepff, « habituellement aux abonnés absents », étrillant une municipalité « autiste, qui agit à sa guise et dans un sens contraire à [nos] avis, lorsqu’ils sont requis ». À l’en croire, à l’Esplanade, tout se ferait « sans consultation préalable » : l’aménagement du carrefour rue d’Ankara/quai des Alpes, jugé « affligeant » ; la création de la rue école rue de Stuttgart, « sacrifiée au dogme de l’infaillibilité écologique ». Sans oublier la création d’un pigeonnier contraceptif , l’implantation d’un potager nourricier et la déminéralisation de la place de l’Esplanade…

La création d’un pigeonnier contraceptif « sans consultation préalable » fait partie des griefs retenus par le comité de suivi de l’Esplanade. – Photo archives Cédric Joubert
Après quelques rares points consensuels, type gestion des encombrants (un vrai sujet dans ce quartier où logent de nombreux étudiants), cette soirée ponctuée de réactions excessives, parfois irrespectueuses, a atteint son climax quand il s’est agi d’évoquer le skate-park rue de Boston et la piste cyclable rue de Londres.
Le skatepark et la fracture générationnelle
Issu du budget participatif 2021 (!) et finalement délocalisé rue de Boston, à proximité de l’église de la Très Sainte Trinité, le skate-park nouvelle formule devrait enfin voir le jour. Les travaux sont prévus cet automne, pour une mise en service « début 2026 ». Au programme : des modules tout en longueur, une scène dédiée à la danse, une zone de parkour, un mur pour les graffeurs. « À quoi ça va nous avancer ? Ça va juste apporter des nuisances ! » raille une dame, quand d’autres prédisent « un nouveau paradis pour les dealers »… Et pas loin d’un enfer pour les personnes qui viendront assister aux enterrements.

L’assemblée de quartier de l’Esplanade a fait salle comble à l’église de la Très Sainte Trinité. – Photo Elsa Rancel
Une fracture générationnelle ? Sans doute, même si certains, de tous âges, rappellent que « l’Esplanade n’est pas un Ehpad » et que « la ville appartient aussi aux jeunes et aux enfants ». « Vous n’écoutez pas les habitants sur les sujets qui les concernent », s’agace la conseillère d’Alsace Anne Reymann, quand Pierre Jakubowicz (Horizons) s’inquiète des places de stationnement supprimées à proximité du parc de la Citadelle.
Une piste cyclable en site propre rue de Londres
La fronde est montée d’un cran à l’évocation de la piste cyclable bidirectionnelle en site propre que la municipalité envisage d’insérer rue de Londres, entre l’avenue du Général-de-Gaulle et la rue de Stuttgart. Elle investira la voie de circulation, avec pour conséquence la suppression d’une partie du stationnement et la mise en sens unique de la rue – dans le sens sortant, entre la rue de Leicester et l’avenue du Général-de-Gaulle.

Une piste cyclable bidirectionnelle est prévue rue de Londres. – Photo Thomas Toussaint
Côté tram, la piste s’insérerait au nord, le long des immeubles, pour ne pas gêner le centre commercial, puis basculerait au niveau du carrefour Leicester, pour se coller aux établissements scolaires. « Inscrit dans le schéma d’aménagement, c’est un projet qui, études comprises, coûte 360 000 €, dont nous avons voté la dernière tranche de 200 000 € en conseil de l’EMS la semaine dernière », nous a précisé ce vendredi Sophie Dupressoir, conseillère municipale déléguée à la ville marchable et cyclable. Elle rappelle en outre que « sur les 87 places de stationnement, 62 sont maintenues dans la proposition actuelle ».
« L’objectif est de limiter les conflits d’usage et de sécuriser les cyclistes et les piétons », insiste-t-elle, comptages et schémas (très difficilement lisibles) à l’appui. Las ! La plupart des Esplanadiens présents ne veulent pas de ce projet et l’ont bruyamment fait savoir. À commencer par un comité de suivi ulcéré qu’il ait été présenté d’abord aux associations d’usagers, établissements scolaires et commerçants, avant qu’il n’en soit informé et sans qu’il ait été consulté.

Une piste cyclable bidirectionnelle est prévue rue de Londres. – Photo Thomas Toussaint
Côté tram, la piste s’insérerait au nord, le long des immeubles, pour ne pas gêner le centre commercial, puis basculerait au niveau du carrefour Leicester, pour se coller aux établissements scolaires. « Inscrit dans le schéma d’aménagement, c’est un projet qui, études comprises, coûte 360 000 €, dont nous avons voté la dernière tranche de 200 000 € en conseil de l’EMS la semaine dernière », nous a précisé ce vendredi Sophie Dupressoir, conseillère municipale déléguée à la ville marchable et cyclable. Elle rappelle en outre que « sur les 87 places de stationnement, 62 sont maintenues dans la proposition actuelle ».
« L’objectif est de limiter les conflits d’usage et de sécuriser les cyclistes et les piétons », insiste-t-elle, comptages et schémas (très difficilement lisibles) à l’appui. Las ! La plupart des Esplanadiens présents ne veulent pas de ce projet et l’ont bruyamment fait savoir. À commencer par un comité de suivi ulcéré qu’il ait été présenté d’abord aux associations d’usagers, établissements scolaires et commerçants, avant qu’il n’en soit informé et sans qu’il ait été consulté.

Rétropédalage ou simples ajustements ?
Vraiment ? Face à la fronde, une fois n’est pas coutume, c’est l’élu de quartier, Patrice Schoepff, qui est monté au créneau, laissant une partie des observateurs sans voix… En mode « Résiste ! Prouve que tu existes », celui-là même qui était qualifié « d’élu inexistant » par Jean-Louis Martini en début de réunion a mis tout le monde d’accord (ou presque). « Je pense que ce projet demande effectivement à être retravaillé… Et on va le revoir avec vous », a-t-il promis, ne laissant à Sophie Dupressoir d’autre choix que de rétropédaler à son tour.
« Nous allons proposer des ateliers pour affiner les choix dans les prochaines semaines », confirme-t-elle, précisant que « l’idée est de lancer les travaux cet été » et que « la base de départ reste un aménagement cyclable en site propre. Si les habitants n’en veulent pas sur la route, la seule autre solution sera de sacrifier plus de stationnements. » Une bonne idée, vraiment ?
© Dernières Nouvelles d’Alsace, 4 mars 2025. – Tous droits de reproduction réservés