L’Esplanade, un quartier de 15 000 habitants confronté aux affres de l’âge.
Photos DNA – Laurent Réa
Ça chauffe à l’Esplanade
L’isolation de ce grand ensemble des années 60 est devenue un casse-tête, à résoudre pour que l’Esplanade demeure attractive.
Une tour de l’Esplanade coiffée d’un épais bonnet de laine. Cette « une » d’un numéro de l’ARES Flash, journal de l’association des résidents du quartier, résume le problème du moment.
Alors que le quartier est vieillissant (ses murs comme ses habitants), une loi de 2010 commande aux copropriétés équipées d’une installation collective de chauffage de réaliser un diagnostic thermique en vue d’améliorer les performances énergétiques des bâtiments. L’obligation date du 1er janvier 2012, avec un délai de cinq ans pour la réaliser, soit jusqu’à fin 2016.
Les copropriétaires de l’ensemble quinquagénaire savent déjà que les résultats ne seront pas bons. Un audit, financé par la SETE (Société nouvelle d’exploitation thermique de l’Esplanade), a été mené sur l’un des bâtiments en février 2012. Il a mis en évidence, via des vues infrarouges très parlantes, les faiblesses de l’immeuble : 25 % des pertes de chaleur sont imputables aux murs extérieurs.
Quand on avance les mots « chauffage » et « isolation », les rires jaunes le disputent aux profonds soupirs. Comment financer de lourds travaux quand on a tout juste de quoi honorer ses charges ?
« La dépense fait peur aux gens »
« Je connais des propriétaires acculés à vendre leur appartement faute de pouvoir financer les travaux qui se profilent, témoigne Christian Lidner, habitant de l’un des immeubles concernés, coordinateur par ailleurs du conseil de quartier. Cela va pénaliser les propriétaires âgés, la dépense fait peur aux gens. »
De son appartement en angle de la rue d’Oslo, Henri Gaudier a une vue aérienne sur le parc de la Citadelle tout proche. Il n’est pas seulement propriétaire ; il est aussi responsable de la commission développement local de l’ARES.
Le problème du chauffage, il maîtrise. Ne serait-ce qu’en tant qu’utilisateur d’un système qu’il juge « aberrant ». Chez lui, il fait 22°C tout l’hiver, radiateurs fermés : ce sont les tuyaux qui chauffent. Il a installé un double vitrage mais ça, « c’est l’affaire de chacun. En revanche, la ventilation comme les travaux d’isolation sont communs. » Et de pointer l’un des freins au processus : « Les subventions sont individuelles mais les dossiers collectifs. C’est un travail considérable. L’assemblée générale des copropriétaires décide, le syndic exécute, fait faire un devis, revient vers ses mandataires… »
Du côté de la rue d’Upsal, dans l’une des copropriétés, plusieurs actions ont permis d’améliorer la situation, à commencer par l’installation de calorimètres sur les radiateurs en 2008.
Quid de la chaufferie biomasse ?
Le principe d’un audit énergétique a été acté en assemblée générale : « On a déjà réussi à faire baisser les factures, indique Fabrice Munier, habitant au n° 6 et président d’un conseil syndical rassemblant 137 copropriétaires. Mais la typologie des bâtiments fait que des ponts thermiques demeurent, même si le gros œuvre est costaud. On peut isoler plus, mais comment ? », interroge-t-il en pointant du doigt des techniques qui n’ont pas fait leurs preuves. « On peut faire beaucoup mieux, sans forcément passer par l’isolation complète », juge-t-il.
Trop de questions restent ouvertes. Une fois le diagnostic établi, quels seront les coûts et les avantages possibles ? Sur quelles économies pourra-t-on compter ? Quel retour sur investissement faudra-t-il attendre (surtout quand on a 80 ans passés) ? Autant de questions qu’il faudra résoudre ces prochaines années, faute de voir le quartier perdre de son attractivité, à une époque où la performance énergétique est devenue un argument de vente.
Sans compter cet autre dossier indissociable – mais pourtant au point mort – de chaufferie biomasse, dans les cartons de Dalkia et qui avait fait l’objet d’un recours des associations esplanadiennes, motivé par de nombreuses incertitudes, notamment sur la pérennité du coût du chauffage. Sauf que la délibération votée en conseil de CUS prévoyait une mise en exploitation au plus tard le 31 décembre 2013.
par Myriam Ait-Sidhoum
© Dernières Nouvelles d’Alsace, Dimanche 2 février 2014. – Tous droits de reproduction réservés